mercredi 14 mars 2012

Les Racines du Mal – Maurice G. Dantec

Je sais pas pour vous mais moi, ces derniers temps, j’ai une espèce de bouffé de nostalgie latente, un irrépressible besoin de revenir en arrière. Je regrette l’époque de mes 15-20 piges, les nineties comme on dit. Je regrette c’est un peu fort, je pleure pas encore en voyant une pub avec un petit bébé chat qui joue avec une pelote de laine, je ne reste pas seul, prostré et sanglotant au milieu de mon appart’, dans le noir en écoutant les gymnopédies de Satie, mais quand même, je me dis que c’était une époque plutôt cool avec du recul. Aucune pression, l’insouciance pure et dure, la seule angoisse qui pouvait me tordre le ventre c’était de passer un exam, ou de tenter ma chance avec une belette et de me voir congédier prestement, c’était à peu prêt tout. Mes principales préoccupations étaient essentiellement ramener des notes correct afin que mes géniteurs me laissent un temps soit peu peinard, et faire plein de musique. Un parallèle est d’ailleurs intéressant à mettre entre les filles et la musique. A cette époque, elles s’intéressaient a moi de manière inversement proportionnelle que je m’intéressais moi à la musique. Comme vous l’aurez compris, j’avais un succès proche du néant, et aujourd’hui encore, la réciproque est toujours de mise, rassurez vous.

Toute cette époque allant du collège à la fac, une dizaine d’années où tout se passe, où tu vis les changements les plus profonds, où les goûts s’affirment. Au collège, Les heures passées au foyer à se disputer la chaîne stéréo avec les porteurs de Air Max, avec lesquelles on trouvaient toujours un arrangement : « OK tu mets un NTM et un A Tribe Called Quest mais après on a le droit à un Carcass et un Napalm Death » (en plus j’faisais semblant de pas être content, j’aime bien plein de trucs en hiphop). Au lycée, en salle de perm’ ou dans la cours à écrire des scénarii de série Z qu’on rêvait de réaliser tout seul ou à jouer au tarot (putain de merde mais j’étais un geek en faite, du coup entre ça et mon gros ventre, tu m’étonnes que je faisais pas trop rêver la gent féminine). A l’IUT, à glander à la cafet’, pour préparer la soirée de jeudi (effectivement j’eu fait parti du BDE) ou le prochain devoir de droit fiscal. Tout ça finit en apothéose avec 2 ans « d’études » à Edimbourg, où mon seul stress fut de savoir s'il fallait que je passe oui ou non à 1 seul repas par jours pour pouvoir sortir encore plus. Je suis conscient que c’est pas comme ça pour tout le monde, mais perso, pour ce qui est de la 1ere partie de ma vie, c’était plutôt cool. Tout n’était pas rose, mais y avait quand même vachement moins de stress et de contraintes que dans la vie d’adulte. Attention, j’suis pas irresponsable non plus, enfin pas trop, je paye mon loyer, mes factures, je me fais à manger tout seul comme un grand, comme un grand, j’vais avoir 32 ans et je m’assume à peu prêt. Par contre, mon appart’ ressemble à une chambre d’étudiant, 1 m3 de paperasse en retard, une trentaine de paire de sneakers disséminées un peu partout, 15 ans de Fluide Glaciale, Bodyboard Mag et autres zines culturels et musicaux accumulés, ma collec’ de CDs, mes vieilles consoles (Nintendo for ever !!!), le parfait intérieur de l’adulescent comme il est décrit dans les manuels de psychologie. En un mot, c’était drôlement chouette les années 90.

Après se passage nostalgie, les années 90 me permettent de faire le passage de relais à la chronique du jour, car justement une bonne partie de l’action s’y déroule (ça commence en 1992, quand je rentrais en 6ème) : j’ai lu les Racines du Mal de Maurice Dantec et s’était drôlement bien. Ayant brièvement flirté avec le Bloc Identitaire (un groupuscule nazillon français), Dantec est ouvertement catholique et royaliste, réac’ à souhait et pour l’anecdote, en 2007, il soutenait De Villiers. En un mot, l’homme est sensiblement aussi détestable que l’auteur est brillant. En gros quand tu t’intéresses un peu au bonhomme, comme disait Desproges au sujet de Minute, tu as le sentiment de lire tout Sartre, car tu as la nausée et les mains sales (pour être exact il navigue un peu d'un bord à l'autre mais les faits sont là). Mais faisant fi de cela, on découvre une plume brillante, un scénario bluffant, la grosse classe. Louis Ferdinand Céline avait beau être un fieffé facho (je sais on dit antisémite), ça l’a pas empêché d’être un des plus grands génies de la littérature du XXe siècle, même si ça me fait mal au cul de le dire.

La brioche sous vide fourrée à la confiture : l’histoire démarre sur la course folle et meurtrière d’un tueur en série, Andreas Schaltzmann, qui « s'est mis à tuer parce que son estomac pourrissait ». Il est persuadé que le monde entier est contre lui et que tout est orchestré par les AliensChase, un tueur en série nécrophage américain, what else ???). Acculé, il tente de se suicider mais rate son coup et se fait pincer par les condés, pour une fois que la Police Française agit à bon escient. A bon escient mais pas que, car elle se sert de ça aussi pour lui coller sur le dos quelques autres crimes bien gore qu’il n’a très certainement pas commis. Un groupe de trois chercheurs, spécialistes en psychologie, neurosciences, informatique et autres, dont le narrateur Arthur Darquandier, va essayer de comprendre ses mobiles. Tutur, qui est cogniticien dans la vie, se fait aider par sa neuromatrice et découvre rapidement qu’ils sont sur la trâce d’un second tueur, ce qui, allant à l’encontre de la thèse officiel et policière, leur vaut d’être éloigné de l’enquête. Dark continue l’enquête avec son ordiécran surpuissant et intelligent (au sens humain du terme, il pense et agit par lui-même, et éprouve même des sensations et sentiments, est capable de pirater n’importe quel réseau informatique sans laisser de trace, de simuler un profil psychologique) et va traquer les autres tueurs jusqu’à un dénouement plus que surprenant, à l’aube de l’an 2000.

Voilà pour l’histoire. Mon analyse tiens en un mot : CHAOS !!! Dantec prend un malin plaisir à nous décrire tous les crimes avec force de détails sordides, même le flirt qu’il entretient avec Svetlana, la jolie scientifique russe, n’amène aucune douceur, aucun sentiment au roman. Tout se mélange dans un relant post fast food entre pseudo philosophie, psychiatrie rance, neurobiologie, religion … C’est dense, crasseux et méchant … mais bordel de merde c'que c’est bon. Un peu comme les tripes à la mode de Caen, quand tu le vois tu dirais que ça a déjà été mangé et en faite, mon dieu quel délice. Il y a dans ce bouquin une sorte de fascination pour l’atroce. Tout le début s’attache sur la course macabre de Schaltzman, jusqu’à son arrestation et déjà là, c’est bien foufou. Et ben accrochez vous à votre slip car vous n’avez encore rien vu. Une chose est sure : ça déménage, mais à la bombe H quoi. Pour le genre, c’est à la fois policier, SF, roman d’anticipation, parfois même un peu horreur. On dira ce qu’on voudra mais cette fameuse génération X nous aura amener quelques belles plumes quand même. « Les Racines du Mal » est chaos, « Les Racines du Mal » est violence, « Les Racines du Mal » est crimes insoutenables et folies des hommes mais « Les Racines du Mal » est également bonheur. Putain de merde quel pied !!!




1 commentaire:

  1. Belle chronique. En Septembre 2012, MG Dantec publiera Satellite Sisters, la suite de Babylon Babies et Andreas Schaltzmann sera l'un des personnages du roman. Pour un service presse personnalisé, écrivez nous à contact@surlering.com.

    A bientôt,

    Anne-Sophie, service presse Ring. (ring.fr)

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