mercredi 7 septembre 2011

Aaltra – Benoît Délépine / Gustave Kervern

Voilà ce qu’on appelle un OFNI !!! Des germanistes convaincus comme vous et moi (12 ans de cours d’allemand et je sais tous juste dire comment je m’appelle et mon âge) pourrait se laisser berner. Mais non quand je parle d’OFNI, je ne parle pas, vous l’aurez compris d’un quelconque Objet Folant Non Identifié teuton ni même alsacien avec l’accent. Bon je vous épargnerais les galéjades douteuses ne servant à rien d’autre qu’à vous faire remarquer que finalement un alsacien, c’est rien d’autre qu’un germain qui parle français. J’ai de la famille par là bas (c’est vrai en plus), ce sont des gens extrêmement accueillant (« Tis tonc, gros Patapoufi Kola, che fois fraiment pas zeu qu’il y a de si trôle afec notre accent »). Je ne vous ferais pas non plus de basses allusions sur le rayonnement de cette région française, qu’on se le dise, au moment même ou la mode de la moustache courte et de la raie sur le côté gominée battait son plein outre Rhin. D’autant plus que chacun sait qu’en langue française Folant s’écrit avec un V.

Donc bon, stoppons immédiatement la polémique. J’entends déjà les nationalistes régionaux de tout bord crier au scandale … ou pas. Entre nous, si je devais choisir ce serait pas d’ailleurs. Soit c’est méchant et gratuit, je vous l’accorde. C’est même pas très drôle ce que je raconte, ça aussi je vous le concède. Après de là à m’en excuser, dois je vous rappeler que je suis ici chez moi et que par définition, je fais ce que je veux. Tout ça pour dire qu’effectivement, Aaltra est un véritable Objet Filmé (Aaaaaaaaah la voilà l’explication de ce fameux F) Non Identifié. Replaçons les choses dans leur contexte.

Accueilli par Danette en gare de La Fertooze City Bitch, nous nous hâtâmes de rejoindre mes pénates (enfin celle de mes géniteurs), pour y retrouver, non sans plaisir, dame Chaminou et sieur Faisan (qui pour la petite histoire aura attendu plus de 30 minutes dans sa voiture, tout ça grâce à la SNCF qui, fidèle à elle-même, était en retard). Après avoir ingurgité une pizza et accueilli notre bon vieux pote Jean Louis, je propose à l’assemblé de se mater Aaltra. Ca faisait des années que je me disais qu’une production Kervern/Délépine ne pouvait que me plaire, leur humour vulgaire, grinçant et subversif, sans aucune limite, ne me présageait que du bon. Et ben, c’est pas pour me la pêter, mais je m’étais pas trompé. En gros c’est l’histoire d’un employé et un ouvrier agricole, voisins et ennemis jurés qui se retrouve accidentellement paralysés et en fauteuil roulant, après une énième altercation qui à mal fini … se faire écraser par une remorque agricole, j’suis désolé mais j’appelle ça mal finir effectivement. Après avoir renoncé l'un et l'autre au suicide, ils se retrouvent par hasard sur le quai de la gare et décident alors d'aller en Finlande (en passant par Namur pour assister à une compète de motocross … ce qui occasionnera quelques scènes bien sympathiques) réclamer des indemnités au constructeur Aaltra. Voici le départ du premier road movie en fauteuil roulant entre la France et la Finlande.

Un mot un seul : TUERIE !!! Ce film est génial … mais hyper « pointu ». Il faut aimer l’humour noir, no limit des trublions de Groland et être préparer à se prendre une grosse baigne. Le film a pas vraiment de rythme, pas ou peu de dialogue, idem pour la musique, c’est tout en noir et blanc, tout y est très cru, on dirait presque un documentaire ambiance « Striptease » de France 3. Les 2 acteurs réalisateurs n’ont pas peur de malmener les idées reçues, on le savait déjà avec leur travail sur Canal+. Anarchistes dans le propos, inventifs dans la forme, Aaltra est un des films les plus singuliers du cinéma français. Ca change de Danny Boon, Kad Mérad et des films primés aux Césars. Un film punk. Pas de budget ?? Une seule réponse : Do It Yourself !!! Le film est interprété par Délépine et Kervern eux-mêmes, et par toute une troupe d’acteurs non-professionnels, pour certains rencontrés au cours du tournage. On notera la présence de guests de renom (Benoit Poelvoorde, Noël Godin, le réalisateur finlandais Aki Kaurismäki, qui semble être une sorte de maître à penser pour les 2 auteurs, Bouli Lanners etc…). A noter un guest sauvage et innattendu : le groupe de HxC old scholl belge Lawstreet 16, qui n’était pas prévu dans le scénario original.

Petite précision : rien n’est jamais sous titré, que la scène soit en français, anglais voir même en hollandais ou en finlandais, ce qui renforce l’immersion à côté des 2 personnages (sur le siège arrière de leur fauteuil quoi).

C’est pas le premier film a traiter le handicap physique, mais c’est le premier que je voyais comme ça. C’est pas un drame, et les handicapés ne sont pas des anges. Délépine et Kervern campe tout de même 2 odieux salopards, méchants, voleurs, profiteurs, aigris, vénaux : 2 drôles de connards assez ordinaires finalement !!! Le handicap n’est pas drôle mais il peut être traité de façon amusante et c’est exactement ce qu’ils ont réussi à faire. Et c’est ce qui les rend attachants finalement, le fait qu’ils soient si ordinaires, des hommes comme les autres (un peu plus cons que les autres quand même).

Un film que je ne conseillerais pas à tout le monde. Un film entier, vrai, bourré d’humour et d’émotion, de paysages rudes et écrasants, un film lent et lourd, un film original, une merveille d’humour noir, … Vous l’aurez compris je pense, j’ai adoré et même plus.

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